Dernière lettre à Nelly

DERNIERE LETTRE A NELLY

Je te prends par l’épaule, je marche à tes cotés,

Tu es tout près de moi pourtant tu es absente.

Je peux prendre ta main, je peux te dorloter,

Je peux faire tout cela mais tu n’es pas présente.

Je brosse tes cheveux, baise ton front brulant,

Caresse tes doigts glacés, mais toi tu n’es pas là.

J’accomplis tous les gestes que je faisais avant,

Mais je les fais en vain car tu ne les vis pas.

Ton corps te trahit, tu ne le contrôles plus,

Il reconquiert les droits que ton esprit lui laisse.

Il n’en fait qu’à sa guise, enfant irrésolu,

Rendant plus perceptible l’ampleur de ta faiblesse.

Parfois dans ton regard, une étincelle s’allume,

Avivant du même coup l’espoir au fond du mien.

Je me prends à rêver que se dissipe la brume

Et que nous retrouvons nos fusionnels liens.

Mais l’instant si fugace déjà s’est envolé,

Le temps d’un battement de cœur la lueur a disparu

Et je vois de nouveau ton regard se voiler

Signe que ton esprit est reparti aux nues.

Te voilà balbutiant, de tes lèvres tremblantes,

Des syllabes sans suite, des propos décousus

Racontant au hasard de phrases incohérentes

Une histoire oubliée que tu ne comprends plus.

Depuis longtemps déjà tu as quitté ce monde,

Dans cette maladie tu es emprisonnée.

Un jour tu t’en iras sans même t’en rendre compte,

Et rejoindras ce dieu qui t’a abandonné.

Luc Josset

Extrait de "La vie en vers en vrac"