18 Avril 2013
SUR LA DUNE
Quelques nuages d’été, qu’une brise légère
Pousse tout doucement dans un éther d’azur,
Jettent sur l’océan leurs ombres éphémères,
Tandis qu’un cri de mouette fait tressaillir l’air pur.
Et portées par le vent quelques notes voyagent :
Chants d’une procession montant vers la chapelle
Ou trilles d’un sonneur égayant un mariage
Où danse une promise en coiffe de dentelle.
Au loin sur l’horizon, esquisses fugitives,
Une paire de voiles blanches se profile au ponant
Dessinant sur le ciel de leurs silhouettes chétives,
Un cadre où le soleil s’abime en rougeoyant.
Et quand la nuit retombe sur le pays d’Iroise
Que le bruit du ressac répond à l’angélus
Qu’une brume diffuse estompe les toits d’ardoise
Et que du sol mouillé montent des senteurs d’humus,
Des couples d’amoureux se promènent sur la dune,
Gravent dans le granit leurs prénoms enlacés
Et sous la douce lumière que leur offre la lune,
A l’abri d’un dolmen, échangent un baiser.
SUR LE PORT
Un regard « eau de mer », une barbe blanchie,
Un visage buriné par le sel et le vent,
Des rides aux coins des yeux emprunts de nostalgie
Le vieux marin regarde au loin vers le couchant.
Il rêve sans doute à quelque ancienne image,
Un sourire de geisha, une douce vahiné,
Souvenirs fabuleux de ses lointains voyages
S’estompant doucement dans les brumes du passé.
Au dessus du chenal, l’incessante clameur,
L’infernal tourbillon des goélands affamés,
Escorte bruyamment le retour des pêcheurs
Que des femmes en noir attendent au bout de la jetée.
Dans le fond de la crique découverte au jusant
Courant entre les coques des vieux gréements échoués,
De jeunes enfants jouent sur les galets glissants
Malmenant à plaisir un crabe infortuné.
Et quand le ciel rougeoie là bas sur l’horizon,
A l’heure où le soleil s’enfuit vers l’Occident,
Que, sans bruit, les ténèbres enveloppent les maisons
Le vieux port s’engourdit bercé par l’océan.
SUR LE PONT
Minuit : relève de quart, je quitte la machine
J’ai une envie d’air frais, un besoin de silence…
Mon crâne sonne encore du bruit de la turbine
Martelant mes tympans de sa sourde cadence.
Le sommeil va me fuir inexorablement.
Pour retrouver l’air pur, je monte sur le pont.
Contre le bastingage m’appuie gaillardement
Et de la brise du large, je remplie mes poumons.
La, doucement bercé par une houle discrète
Oubliant dans l’instant toute ma lassitude,
Avec les éléments en communion secrète,
Je me laisse envahir par cette plénitude.
A l’infini la mer, sombre, à perte de vue,
A la crête des vagues une touche d’écume,
Sous ces milliards d’étoiles constellant les nues.
Et à la lumière blême de ce croissant de lune ;
Le lourd vaisseau de guerre, symbole de pouvoir,
Apparait ridicule dans cette immensité.
De la sottise humaine, monstrueux faire-valoir
En expose fièrement toute la vanité.
Luc Josset
Extrait de "La vie en vers en vrac"